Présidentielles françaises : le Kärcher® de Valérie Pécresse

Dernière ligne droite pour la campagne présidentielle française. L’occasion de revenir sur une déclaration de Valérie Pécresse qui a éveillé notre attention de spécialistes du droit des marques.

En campagne sur le thème de la sécurité, la candidate LR avait en effet déclaré « Je veux nettoyer les quartiers. Je vais ressortir le Kärcher de la cave. (…) » Cette déclaration n’avait pas manqué de faire réagir la société Kärcher, arguant que les propos déplacés de Madame Pécresse portaient préjudice à sa marque et aux valeurs de l’entreprise. Au-delà de la polémique politique, analysons les questions juridiques que soulève cette déclaration.

➡️video

Pas d’usage contrefaisant

Si l’on peut comprendre la volonté de la société allemande de ne pas être associée à la campagne politique française et certainement pas sur un thème aussi sensible, une question se pose : cette déclaration constitue-elle un usage contrefaisant de la marque Kärcher® ?

La législation européenne prévoit que le titulaire d’une marque peut interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque ce signe est identique ou similaire et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux couverts par la marque, si cet usage crée un risque de confusion dans l’esprit du public.

Les déclarations de Madame Pécresse n’entrent en l’occurrence pas dans le champ d’application de la loi, puisqu’il ne s’agit pas d’un usage dans la vie des affaires, c’est-à-dire dans le contexte d’une activité commerciale visant un avantage économique, pour distinguer des produits et services d’une entreprise de ceux d’une autre.

Lutter contre l’usage d’une marque dans un sens générique :

En réalité, ce qui pose véritablement problème à la société allemande dans la déclaration de Madame Pécresse est l’usage de sa marque Kärcher® dans son sens générique, en lieu et place du terme « nettoyeur à haute pression ».

Il peut en effet arriver que certaines marques deviennent tellement connues qu’elles finissent paradoxalement par perdre leur pouvoir distinctif, c’est-à-dire leur capacité à distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux d’une autre. La marque devient alors générique et entre dans le langage courant. Bic, Caddie, Pedalo, Jaccuzzi, Bikini sont des exemples parmi d’autres de dégénérescence. En l’absence de réaction par le titulaire pour lutter contre ce phénomène, celui-ci risque la déchéance pure et simple de ses droits de marque.

Le titulaire des droits a donc tout intérêt à lutter contre ces usages génériques. C’est donc à très bon escient que la société Kärcher a rappelé publiquement à Madame Pécresse et à toute la classe politique française que son signe Kärcher® ne peut être utilisé qu’aux fins d’identifier ses produits pour lequel il est enregistré. Et au passage, elle en profite pour se désolidariser de toute association avec un parti ou courant politique.